Les projets de véhicules intermédiaires ont quasiment tous échoué. Que peut on apprendre de ces échecs ? Quand, comment faut-il se confronter au marché, à ses futurs clients ?
Mise à part les voiturettes (catégories L6e, L7e) avec un marché "d'exclus" de l'automobile d'un coté ou de jeunes extra-urbains avec un fort pouvoir d'achat de l'autre, aucun projet ne peut revendiquer un véritable marché. Cette niche s'est construite au fil du temps par un mélange de réglementation sur les véhicules et sur le permis à point. Tous les autres projets n'ont pas échoué pour des raisons techniques mais par une incapacité à répondre à un problème réel et à séduire des clients habitués à l'automobile.
Après un bref rappel des forces de l'automobile (d'occasion), nous explorerons les meilleures façons de valider vos hypothèses concernant le marché. A ce stade, vos projets n'ont aucune réalité, ces véhicules n'existent pas tant que des clients ne les auront pas acheté.
A moins de 1000 euros pour l'achat, réparable partiellement soi même ou dans un réseau national, d'une grande autonomie, multi-usage, relativement sûrs, l'automobile d'occasion (5 fois le marché du neuf) dispose de nombreux atouts. D'autres sont moins visibles mais néanmoins essentiels, forgés par un siècle de marketing : des objets du quotidien dont la forme nous est familière (et donc à l'inverse, une forme différente va nous déranger), dont la forme a également matricé l'espace public (rendant d'autres objets moins bien adaptés), qui rythme nos quotidiens en pilotant nos temporalités, nos activités.
Ainsi tout changement sur l'objet va venir se confronter à des habitudes, des réflexes, un conditionnement conscient et inconscient comme autant de barrières et de freins pour revenir à quelque chose de connu, de rassurant même si nous savons individuellement qu'il faut nous en extraire. Tous les projets échoueront d'abord par leur incapacité à comprendre les usages, à nouer des relations, à créer des conversations et à accompagner les difficiles changements individuels. Quelques conseils que nous pouvons proposer ...
1. Fuyez les conférences, rencontrez vos clients dès que possible et engagez des conversations,
2. N'attendez surtout pas d'avoir le parfait (de votre point de vue) véhicule pour cela, il faudra pour cela créer des "conditions" pour les inviter à vous parler de votre produit, à réagir, à vous donner des informations clés sur leurs quotidiens, leurs problèmes.
3. Ecoutez alors vraiment les retours des utilisateurs, identifiez les non-consommateurs (ceux qui sont mal servis par l'automobile actuelle mais qui ne savent pas qu'il peut exister d'autres véhicules).
4. Pour avancer dans cet environnement inconnu, vous devez donc tester progressivement vos principales hypothèses sur les marchés que vous ciblez.
Le cabinet de conseil 15Marches détaille dans cet article les différences entre prétotype et prototype. Le prototype pose les questions suivantes :
- peut-on le construire ?
- va-t-il marcher comme prévu ?
- combien va-t-il coûter / consommer ?
Alors que le prétotype vise à répondre aux questions :
- vais-je l’utiliser ?
- les gens vont-ils l’acheter ?
- s’ils l’achètent, sera-t-il utile aux gens ou finira-t-il dans un tiroir, placard, garage au bout de quelques mois ?
En ce sens, le concept de prétotype est similaire à celui de « produit minimal viable » utilisé dans la méthode lean startup. Le produit minimal viable (PMV) n’est pas une version plus légère ou non finie du produit imaginé, elle est le produit qui permettra de passer par toutes les étapes de la méthode qui consiste à produire-mesurer-apprendre moyennant le minimum d’effort. Quels sont les prétotypes de véhicules intermédiaires à réaliser pour valider les principales hypothèses en terme de marché ? Faut-il d'ailleurs même un véhicule ou uniquement une maquette numérique ? Le rôle d’un PMV est de lancer le processus d’apprentissage par feed-back, et non d’y mettre fin.
15Marches nous détaille comment Hawkins, le co-créateur du mythique Palm Pilot, a simulé pendant plusieurs mois les usages virtuels de son appareil bien avant de le fabriquer avec ... un simple morceau de bois.
Comment son futur assistant numérique individuel allait-il être utiliser au quotidien ? quelles routines pouvait-il conduire à développer ? pouvait-il rentrer dans sa poche de chemise ? comment les autres allaient-ils percevoir et réagir à la vue de l'objet et des usages associés ? pouvait-il le tenir d'un main et écrire de l'autre (sur de simples post-its collés sur le morceau de bois). Une fois les principales hypothèses et itérations réalisées sur son morceau de bois, tout le reste n'est plus qu'un travail d'ingénieur.
Dans le cas du Palm Pilot, le morceau de bois et les feuilles de papier de Hawkins suffisaient amplement à tester différents schémas d’ergonomie. Pas besoin de construire un vrai PDA pour cela. Dans le cas d'un véhicule intermédiaire, que voulez vous tester auprès de vos futurs clients ? quels sont les usages ? Avez vous besoin d'un prototype fonctionnel complet ? Une maquette 3D pourrait déjà être évaluée en terme de réaction en réalité virtuelle.
Ne pouvez vous dès maintenant assembler des briques existantes pour tester certaines hypothèses au moindre coût et rapidement avant de vous engager ? Au delà des early adopters qui roulent déjà avec des étranges véhicules, comment comptez vous faire venir les pragmatiques ? ceux qui utilisent aujourd'hui une automobile d'occasion ...
Que proposez vous de tangible pour leur faire quitter leur routine quotidienne ? Il s'agit bien d'un gouffre tant le sujet est complexe, partiellement irrationnel.
Il s'agit donc d'allouer la majorité de votre temps, de vos moyens sur cette question clé "Que proposez vous de tangibles pour leur faire quitter leur routine quotidienne ?". Et pour vous permettre de tester vos hypothèses, c'est à dire vos solutions qui pourraient (conditionnel) répondre à la question, de quoi avez vous réellement besoin ? Il est sûr que vous devez parler à vos futurs potentiels clients, aller à leur rencontre, trouver un moyen d'engager la conversation, pour tester vos hypothèses.
Cette exploration des usages est l'éléphant dans la pièce (en reprenant l'expression de notre Forum où nous échangeons sur ce sujet). Il est essentiel, peu ou pas traité sans pour autant être un sujet nouveau. Autant il est courant d'explorer des technologies dont nous savons qu'elles mettront des années à venir au marché, il reste marginal une véritable stratégie d'exploration de l'acceptabilité du marché. Quel pourcentage actuellement d'utilisateurs de ces véhicules, combien en visez vous d'ici 2 ans, dans quels territoires ? Comment allez vous explorer ces usages aujourd'hui inconnus ? Faut-il viser un territoire précis pour atteindre une masse d'utilisateurs, avec en conséquence des non-utilisateurs "habitués" à croiser ces véhicules ? Comment le choisir ? Faut-il viser des typologies de clients ?
source : icopilots
Par exemple, sur Alibaba vous pouvez dès maintenant recevoir à peu près toutes les briques techniques fonctionnelles (moteur roue, chassis, batterie, transmission, ...) pour construire des prétotypes, évaluer les réactions (sans même parler des fonctionnalités). J'entends déjà les cris appelant à ré-industrialiser... Ce prétotype vise à engager une ou idéalement plusieurs conversations avec les futurs clients, pas à valider le choix des matériaux ou la tenue de route, encore moins à faire des choix industriels. Le sujet de la validation technique, de l'industrialisation, du choix des composants pourra alors se dérouler une fois validés les prétotypes. Et de nouveau il sera question de pragmatisme pour, peut être, acheter certains composants standards en Chine, tout en développant des compétences et des métiers en France. Nous aurons l'occasion dans un prochain article de reparler de FabLabs, production distribuée et micro-usine.
Avant de parler de prototypes, construisez vos prétotypes et aller à la rencontre de vos clients sans attendre et engager des conversations !
Dailleurs, vous qui avez lu jusque là, s'il vous plait, racontez nous vos déplacements du quotidien