Benoit Jarret de l'equipe e-Gocar, membre individuel de l'association AVELI y était et nous a fait ce compte rendu...
L'évenement
Cet évènement s'est tenu le week End du 11 au 13 Mai 2023.
La formule mêle à la fois les pouvoirs publics, les écoles (de la primaire aux écoles d’ingénieurs !), les professionnels du cycle et dérivés, des acteurs de la mobilité et des citoyens de tous bords permet une émulation et de nombreuses interactions autour des véhicules innovants.
Et bien sûr le fait de voir rouler les véhicules dans l’espace public, voire en condition extrême sur circuit, à un autre impact que de les voir exposés dans un salon.
Nous avons même pu rejoindre la place de la mairie par la route, escortés par deux véhicules de police ! Magique !
Il y a plusieurs catégories « ou challenges » qui participent à l’Albi Eco Race :
- Challenge niveau initiation : véhicules solaires filoguidés conçus et réalisés au cours de l’année par des élèves d’écoles primaires. (vitesse et endurance).
- Challenge niveau 1 : véhicules électriques radiocommandés solaires sans accumulateur pilotés par des collégiens ou des lycéens.
- Challenge niveau 2 : 3 épreuves avec des véhicules électriques légers et aérodynamiquesconçus dans le seul but d’optimiser l’efficience énergétique.
Les Urban Concept doivent en plus respecter des contraintes pour se rapprocher des véhicules de série. - Challenge niveau 3 : se déroule durant 24h et regroupe 3 épreuves combinant la vitesse,l’efficacité énergétique et l’endurance de véhicules solaires de compétition.Certains véhicules dépassent les 100 km/h
- Challenge niveau 4 : exercice de régularité pour véhicules électriques et hydrogènes(de série) pendant 1 heure de course avec 3 arrêts obligatoires de 2 minutes au stand.
Nos véhicules
Personnellement, j’ai découvert le SUNRACER, concurrent qui challenge de niveau 3, en arrivant à Albi le jeudi 11 mai, veille du départ de la course de 24 heures avec départ type « Le Mans » (ou « en arêtes de poisson »). C’est l’équipe EM-Project, dont Lionel Serra (membre du projet e-GoCAR) est le président, qui m’a convié à cette course sur leur véhicule.
Quelques infos techniques :
Système de propulsion électrique qui utilise un moteur-roue de scooter E-Max équivalent 125 qui tournait en 48 volts avec sont bras oscillant et sa suspension.
2 roues avant directrices et une roue arrière motrice
La voie avant est assez large et fait 1,60m pour 4.50m de long
Les pneumatiques avant correspondent à des pneumatiques de mobylette en 16 pouces de 2.25 pouces de large (environ 5.72 cm).
Le véhicule fait 250kg avec ses 6m2 de panneaux solaires structure aluminium (type bâtiment) avec cellules SunPower et 3 MPPT peuvent théoriquement fournir jusqu’à 1500 Watts.
équipé d’un guidon, le pilote est en position semi-allongée; une barre latérale permet un appui sous les jambes et le dos est relevé à environ 45 degrés. Grâce aux mousses, la position de conduite est confortable (comme sur un transat !) ce qui permet de rouler longtemps sans fatigue.
L’accès est compliqué, le véhicule est très bas et il faut passer sous les panneaux :
- Il faut d’abord ouvrir la porte en plexiglass scratchée,
- se plier en deux et passer entre la roue avant et le post de pilotage,
- poser les fesses sur le siège
- passer une première jambe par-dessus le guidon avant de rentrer la deuxième.
D’après le règlement de la course il faut mettre maximum 10 secondes pour sortir du véhicule, cequi ne s’improvise pas dans le SUNRACER !
Nous étions partis à 4 pour tourner toutes les 2h (rouler 1h50 sur piste pour garder un peu de marge car pénalité si on dépasse les 2 heures dans les stands) mais nous avons eu la bonne surprise de voir notre second véhicule - un trike fait maison avec un toit solaire et un moteur roue arrière de 1000W - accepté pour rouler pendant la course de 24h; tant pis pour le sommeil des pilotes !
Le trike est équipé d’un accélérateur à main et n’est pas limité en vitesse au niveau de l’assistance, la direction est commandée par une sorte de corne de taureau.
La course !
Il faut impérativement lire le règlement, ce que j’ai fait, ne serait-ce que pour connaître la signification des drapeaux sur un circuit.
Pour optimiser les performances de l’équipe il faut faire attention à ne pas prendre de pénalités cequi n’est pas évident pendant une course de 24h où nous ne sommes finalement plus que deux à nous relayer...
Heureusement, j’ai le sommeil facile et j’ai réussi à dormir sur un « carrémat » au moins une 1h après chaque changement voir plus lors des deux recharges batterie.
La batterie de 5kWh a été chargée deux fois après environ 7h de roulage, ce qui a pris entre 1h30 et 2h avec un chargeur spécial fonctionnant sur une prise triphasée.
Il s’avère que cette édition de l’Albi Eco Race a été particulièrement pluvieuse et nous n’avons pas vu beaucoup d’éclaircies...
Le SUNRACER avait surtout roulé au soleil jusqu’à présent ! (World Solar Challenge en Australie,Moroccan Solar Challenge à Marrakech, etc...) et le circuit d’Albi mais sous la canicule en 2022 !
Nous avons eu la surprise de découvrir lors de la course, dès le début de soirée, que la jonction entre les panneaux solaires au-dessus du pilote n’était pas étanche et qu’un filet d’eau coulait continuellement au niveau du ventre tant qu’il pleuvait... (et un autre filet d’eau sur le bras droit dans certains virages à droite !).
Nous avons donc été littéralement trempés sans que la combinaison ait le temps de sécher entre deux sessions...
Pour préciser la stratégie de course :
Sachant que nous avons droit à 2 recharges pendant les 24H, il faut partir avec la batterie chargéeà 100% :
- Dans ce cas nous avons une capacité batterie de 56Ah et une tension de départ de 82volts ce qui permet de rouler à 80 km/h environ.
- La vitesse maxi baisse avec la tension et normalement il faut s’arrêter avant que la tension descende sous 55V. (mais ça c’est quand il faut beau et chaud !)
J’ai eu droit à une panne d’électricité avec arrêt total du véhicule de nuit au début de la ligne droite précédent celle des stands où je devais m’arrêter alors que la batterie était encore à 63V et qu’il restait encore un peu de capacité batterie...
Pour optimiser le nombre de kilomètres de roulage il fallait tenir les 7 premières heures avec la première charge batterie et donc nous devions limiter la consommation à 1 Ah par tour de piste (3.56 kms) voire 1.1 Ah en cas d’éclaircie qui pouvait nous amener 400 à 550 Watts en fin d’après-midi et en début de matinée grâce aux panneaux solaires. Les accélérations devaient rester si possible en dessous de 1000 Watts de consommation.
Personnellement j’ai eu du mal à doser l’accélérateur car je ne maîtrisais pas l’écoconduite en électrique. En effet sur un véhicule thermique il faut accélérer assez franchement dès le départ pour que le papillon des gaz soit ouvert au 3⁄4 environ, c’est là que le moteur thermique à un meilleur rendement, cependant il faut changer très tôt les rapports (avant 2500 trs/min sur unvéhicule essence, avant 2000 trs sur un diesel).
Avec un véhicule électrique il vaut mieux accélérer très progressivement.
La deuxième session batterie c’est bien passée (sans tomber en panne !) et nous avons pu recharger une dernière fois.
Il ne restait plus que 6h de course avec la dernière recharge, il y avait un peu de soleil et nous pouvions donc consommer un peu plus que la nuit.
Mon binôme, Gilles, qui a bien plus l’habitude de l’engin que moi, m’a dit que pour finir la batterie lors des derniers tours avant recharge il avait consommé jusqu’à 2 Ah au tour et qu’on pouvait commencer en faisant entre 1.5 et 2 Ah au tour.
J’ai donc commencé ma session en roulant plus vite et ne dépensant pas 1.2 Ah au tour. J’ai roulé de plus en plus vite sans jamais arriver à consommer plus de 1.8 Ah (sans jamais être à fond non plus en ligne droite, plutôt en « gardant le rythme » dans les virages) même en montant à 2500W de puissance à l’accélération...
Malheureusement les pneumatiques de mobylette n’ont pas aimé du tout les virages rapides, pas aidés par un problème de réglage de train avant (parallélisme) et peut-être aussi une légère surpression des pneumatiques : (surgonfler à 3 bars permet de consommer moins mais réduit encore la surface de contact du pneumatique au sol et donc la zone d’usure).
Et voilà le travail : (
En fait la consommation indiquée par Gilles était de nuit (et donc sans l’énergie solaire fournie par les panneaux lors de mes tours !) et j’aurai dû comprendre que cette dernière était déjà déduite de ma consommation affichée pour avoir une consommation raisonnable...
Bref je n’ai pas permis à l’équipe d’espérer figurer en bonne position sur la grille d’arrivée...
Mais contre tout attente, alors que nous n’avions pas de pneumatique de rechange et qu’aucune équipe présente sur le circuit n’avait le même pneumatique que nous en stock j’ai réussi à trouver la même taille de pneumatique sous une pile de pneus d’occasion dans le grenier d’une association albigeoise qui restaure les mobylettes anciennes (T’inquiète la mobylette !), Mille merci à eux !
Le pire c’est que l’éclatement du pneu est arrivé à 12H30 alors que l’arrivée était prévue à 16H et qu’entre midi et deux tous les magasins de motos et cyclos étaient fermés...
Après que l’équipe ait cherché une solution et demandé conseil au personnel du circuit j’ai réussi à trouveer un magasin qui a ouvert à 13h30, mais sans succès, puis j’ai enchaîné avec tous ceux que j’ai trouvé sur Albi et qui ouvraient à 14h mais bien qu’ils pensaient tous avoir ce genre de vieux pneu dans un coin ils n’ont pas trouvé... Dernière chance à 14h30 à l’ouverture de JP MOTO qui fait également les cyclos et dont le patron à tout de suite identifié le pneu de Piaggio Ciao et a appelé ses connaissances, dont des membres de l’association qui nous ont rejoint à leur local !
Je suis donc reparti direction le circuit avec un pneu qui correspondait sachant qu’il restait moins d’une heure de course !
L’équipe a pu remonter la roue et nous avons pu passer la ligne d’arrivé !
En marge de notre course
Plusieurs type d’épreuves se sont déroulées pendant la course de 24h dont une épreuve de régularité : On choisit les 8 tours durant lesquels ont veut être le plus régulier possible (il faut l’annoncer au directeur de course) et les 3 meilleurs tours sont retenus.
A l’épreuve de vitesse sur un tour le Blue Cruiser de l’Université de la Ruhr à Bochum a été le plus rapide avec un temps au tour inférieur à 3 minutes (2’51) pour boucler le circuit d’Albi d’unelongueur de 3.565 KMS. (soit environ 75 km/h de moyenne).
Il s’agit d’un véhicule deux places qui est venu par la route d’Allemagne avec un autre véhicule 3 places (qui a fait 200 tours en 24H contre 208 pour le meilleur) :
En effet ces deux prototypes ont été « homologués » par le TUV allemand et ils ont gagnés avec des plaques d’immatriculation !
Les véhicules comme ceux-là qui ont au moins un passager pendant la course peuvent avoir une batterie de 15 kWh, soit avec 3 fois plus de capacité que la nôtre.
A titre de comparaison les meilleurs véhicules solaires bien plus extrêmes, comme le Nuna 3 de l’équipe Nuon Solar Team (Université de Delft, Pays-Bas), peuvent faire les 1877 miles (3021 kms) du World Solar Challenge en 29h11 à une vitesse moyenne de 102.75 km/h.
Conclusion
Ayant l’habitude des circuits (ex. moniteur de pilotage) et étant très engagé en tant que citoyen (conseiller municipal mobilité, membre centrale villageoise, collectif citoyen, etc...) c’est la première fois que je vois un évènement capable de rassembler dans la joie et la bonne humeur des personnalités et des profils aussi variés que des personnalités politiques (nous avons été accueillisà la mairie d’Albi par Madame le Maire et l’équipe municipale) des écologistes, des passionnés de vélo et dérivés, des pilotes, des étudiants et leurs professeurs, sur une structure dédiée au sport automobile !
Je pense que nous gagnerions avec nos véhicules intermédiaires à ce que ce genre d’évènement se développe sur le territoire.
Et bien sûr de nombreuses entreprises sont intéressées pour être associées à ces évènements (RSE, image de marque, transition, nouveaux marchés, etc...).
Ici c’était par exemple VINCI, ENEDIS, EDF, ENGIE, GENHYO, etc...
Au plaisir de vous retrouver bientôt dans nos véhicules du futur !
Benoît Jarret pour l’équipe e-GoCAR