Le chef d’Etat Major des Armées indiquait dans sa conférence de presse 2025 les quatre paramètres clés à considérer pour comprendre le monde tel qu’il est :
- Violence légitimée
- Alternative à l'occident
- Guerre informationnelle
- Changement climatique
Cette évolution de la conflictualité se déroule sur trois échelles : compétition, contestation, affrontement avec une bataille sur les narratifs pour revenir au seuil inférieur. Ceci dans tous les espaces possibles (terre, mer, ciel, espace, cyber, cognitif). Le dernier livre de David Baverez « Bienvenue en Economie de Guerre » annonce que nous sommes entrés enéconomie de guerre (ce qui n’est pas la guerre) et propose de choisir ses dépendances pour donner un chemin et gérer la transition. Ce qui compte en économie de guerre, c’est la dépendance relative par rapport à l’autre. Les États-Unis découvrent en 2025 qu’ils sont devenus plus dépendants de la Chine que la Chine n'est dépendante des États-Unis. Xi Jinping, lui, se prépare au “découplage” depuis que Donald Trump a pris la décision de couper à Huawei l'accès aux semi-conducteurs. C'était en 2017 : Pékin a huit ans d'avance dans cette économie de guerre.
Dans un tel contexte, pour l’industrie des véhicules en Europe, quelles seraient les conséquences d’une rupture dans la fourniture de certains composants ? de mises à jour Over-The-Air (OTA) non maîtrisées rendant certains véhicules immobiles ou pire ? d’un ou plusieurs chocs sur des matériaux critiques ou rares ? de nouvelles taxes sur les composants, les véhicules, les énergies ou les matières premières ? Les raisons ne manquent pour remettre en question nos dépendances concernant la production des véhicules utilisés par les européens, leurs composants, leur mise à jour, leur maintenance, leur recyclage. Le podcast de sismique « l’Europe vassalisée » dresse un panorama complet etinvite à repenser les équilibres comme celui du trilemme de Rodric (souveraineté / mondialisation / démocratie).
Dans le domaine du numérique, il y a de nombreuses similitudes : le cloud, les OS, les plateformes, l’IA, les normes, etc. Notre dépendance est très élevée avec des acteurs non européens, principalement américains, alors que nous avons des compétences, des industriels et un des plus grands marchés au monde. Pour s’organiser la fondation bertelsmann-stiftung lance Euro-stack : https://www.euro-stack.info/. En matière de numérique, il s’agit de comprendre l’état actuel de nos dépendances, les briques et connexions, et construire une alternative européenne systémique en apportant une méthode et gouvernance adaptées.
source : EuroStack – A European Alternative for Digital Sovereignty
A l’image de cet Euro Stack numérique , à quoi ressemblerait un Euro Stack Véhicule ? A quoi ressemblerait un système véhicule à la fois souverain, sobre et robuste ? Comment maintenir un haut niveau de performance environnemental et énergétique tout en conservant la maîtrise de nos industries sur toute la chaîne de valeur des produits et sur toute la vie des produits ?
Pour la matière (hardware), cela commence par réduire d’un facteur X les besoins de matière donc la masse, la taille des véhicules, donc le nombre de composant. Moins de gramme, moins de dépendance, de nouvelles options s’ouvrent pour faire autrement en Europe et le choix de la dépendance est plus simple.
Puis l’écoconception, l’économie circulaire, le recyclage et le reconditionnement permettront de poursuivre la réduction des dépendances et d’utiliser intensément chaque gramme de matière là où il faut. Concrètement il faudra poursuivre et renforcer les boucles multi niveaux (rendre économique la production de biomasse en jouant sur plusieurs co-produits, la mutualisation de machines et de composants sur plusieurs véhicules) et multi secteurs (comme la 2ème vie batterie qui passe de la mobilité au stationnaire, des déchets plastiques utilisés pour réaliser des composants). Les sous-systèmes devront également s’ouvrir pour permettre le remplacement d’une partie par un composant aujourd’hui inconnu. Par exemple, l’ensemble batterie / moteur / ECU devra pouvoir intégrer dans 15 ans des batteries que nous ne connaissons pas encore en faisant évoluer les logiciels et contrôleurs. Au plus les systèmes sont ouverts et interopérables, au plus nous ouvrons des options pour le futur. La pérennité doit être intégrée comme un élément majeur de notre robustesse. Les interfaces, les standards doivent devenir des zones de coopérations entre industriels européens.
Pour décrire un Euro-Stack Véhicule, regardons l’ensemble. Un système de mobilité se compose de 4 grands domaines : l’objet roulant (le véhicule ou son corps), l’énergie (fossile, soleil, biomasse ou humaine), les infrastructures (là où passe le véhicule) et l’information (où, quand, comment). Les infrastructures se redécomposent elles-mêmes en infrastructures pour les véhicules (routes), pour l’énergie (pipelines) et pour l’information. Nous sommes devenus dépendants des satellites, des pipelines et des routes.pour nous déplacer. L’information concerne plus largement toutes les données liées aux secteurs des transports, utilisées et produites par les véhicules, les opérateurs, les usagers et les conducteurs. Ce système est à reconcevoir pour venir renforcer sa robustesse, sa sécurité et sa sobriété. Les parties liées aux logiciels, données, cybersécurité et infrastructures numériques peuvent « directement » être rattachées aux travaux et objectifs élaborés dans l’Euro-Stack numérique. En effet, les véhicules utilisent aujourd’hui des Operating System principalement américains ou chinois. Les données des véhicules transitent par les mêmes canaux, sont stockées sur des clouds régis par des législations étrangères ou extraterritorriales.
En résumé, pour garantir robustesse, résilience, autonomie stratégique et hautes performances environnementales et énergétique, un Euro Stack Vehicule pourrait se présenter ainsi :
Véhicules ::
- Hard : Réduire la quantité de matière (allègement) et le nombre de composant, choisir
les matériaux et procédés industriels européens, M.O. de l’aval en EU sur les composants, biomatériaux européens et réutilisation de déchets européens dans les composants. Améliorer la réparabilité, les capacités de reconditionnement pour avoir plusieurs vies et augmenter la durée de vie au niveau du véhicule et des composants, production centralisée des composants et sous-ensemble, entretien et reconditionnement à réaliser de façon distribuée, interfaces standardisées pour faciliter le remplacement et les évolutions indépendamment des acteurs actuels, - Soft : OS européen comme https://www.ebikeos.com/fr, système numérique non propriétaire et ouvert pour garantir réparabilité sur 20-40 ans, à relier à l’Euro-stack numérique
Energies : Réduire la consommation par l’efficience, légèreté, autoproduction d’énergie par le véhicule (humaine, solaire embarqué) et production d’énergie électrique EU, utilisation d’une prise de charge standard, réduction massive et rapide de l’utilisation des fossiles,
Infrastructures :
- Pour le véhicule : réduction de la dette liée aux routes et des dépenses futures par un fort allègement, utilisation des infrastructures existantes, réutilisation et simplification des besoins matériels, réduire le besoin d’investissement et d’entretiens,
- Pour l’énergie : réduire les besoins par l’efficience, utiliser l’électricité avec une charge sur prise standard, introduire une dose de propulsion humaine et de panneaux solaires sur les véhicules,
Système d’informations et communication :
- Pour le matériel et logiciel : S’appuyer sur Euro-stack numérique,
- Pour les données : S’appuyer sur Euro-stack numérique,
Une voie est donc possible pour préserver nos libertés de mouvement et réduire nos dépendances. Un Euro-Stack Véhicule est indispensable pour une Europe mobile, sobre et robuste. Ce Stack va volontairement chercher à maximiser la simplicité, la sobriété, la légèreté, la réduction des options et accessoires à la fois parce que de tels objectifs viennent directement servir la finalité et également pour des questions de vitesse. Si nous ne sommes pas capables de faire des véhicules simples et robustes, majoritairement produits, assemblés, maintenus et reconditionnés en Europe, pourquoi pourrions-nous le faire avec des véhicules high tech, connectés éventuellement autonomes ? Il a fallu 3 ans à la Chine pour devenir le premier exportateur de véhicules au monde. Dans 3 ans, le paysage industriel européen pourrait être radicalement différent.
La construction de tels Euro-Stacks implique de nouvelles collaborations et coopérations à différentes échelles à travers l’Europe. Là sont les défis et aucun n’est insurmontable.